Je n’ai pas d’enfant et je n’ai pas le désir d’en avoir pour des raisons bien personnelles, mais ceci ne m’empêche pas d’avoir une grande tendresse envers les enfants de mon entourage. Je suis la marraine d’un garçon que j’adore, je prends un grand plaisir à photographier les nouveau-nés et je suis gaga quand je lis des mots d’enfants que mes amis parents rapportent régulièrement.
J’ai toujours été peinée d’entendre que des parents vivent des difficultés à avoir leur enfant si désiré.
Je me souviens très bien, alors que j’étais adolescente, qu’une de mes tantes vivait des difficultés à procréer et ça me choquait profondément! J’essayais même d’encourager ma propre mère à concevoir un enfant en cadeau pour sa soeur…
Il y a déjà 3 ans, j’ai découvert le travail d’une photographe américaine via une conférence virtuelle où elle parlait de son travail bénévole pour une fondation ayant pour objectif d’offrir aux parents endeuillés des portraits de leur enfant décédé. J’ai été immédiatement touchée et j’ai décidé que j’allais aussi m’impliquer pour cette cause. Un an plus tard, j’ai approché Manon Allard pour l’informer de mon désir de devenir bénévole pour cette cause, sachant qu’elle était elle-même bénévole et qu’elle était sur le point de mettre sur pied la Fondation Portraits d’Étincelles. Et c’est ainsi qu’a débuté mon aventure en tant que photographe bénévole.
Trois mois suivant ma formation en novembre 2015, j’ai reçu mon premier appel de la fondation pour aller photographier un petit bébé. Il s’agissait d’une interruption de grossesse à 28 semaines; voilà les seuls détails que j’avais de la situation.
Comment allais-je réagir? Bien que j’avais suivi la formation avec l’équipe de la fondation, bien que j’avais côtoyé la mort à quelques reprises dans ma vie, je ne pouvais prévoir l’effet que me ferait cette rencontre.
Je me suis donc dirigée vers l’hôpital durant la nuit afin d’aller offrir à ces parents, des souvenirs en image de leur petit bébé. Je me suis rendue au bureau des infirmières afin de me présenter et de leur expliquer ce que je planifiais faire. Celles-ci étaient heureuses de ma présence et reconnaissantes que j’offre ce service aux parents (de savoir que les infirmières me soutenaient dans ma démarche m’a immédiatement enlevé un poids que j’avais sur les épaules.) Une infirmière a annoncé mon arrivée aux parents et je suis alors entrée dans la chambre…
La lumière était tamisée, les corridors étaient silencieux, et dans la chambre se trouvaient les deux parents avec leur petit bébé emmailloté dans leurs bras, comme dans une bulle. Il y régnait un calme et une sérénité qui m’a fait un grand bien! La maman m’a fait un beau sourire et m’a présenté son bébé. Bien qu’il était très petit, celui-ci était déjà bien formé, et il était beau! J’étais surprise! Je ne m’attendais pas à ça!
En chuchotant, comme pour ne pas réveiller le petit bébé qui « dort », j’ai offert mes sympathies et expliqué aux parents comment allait se dérouler la séance, en leur rappelant que j’étais là pour eux mais que je pouvais quitter à tout moment si la situation était trop difficile.
Je leur ai fait signer le formulaire de consentement et j’ai sorti mon appareil afin de créer les souvenirs de cette petite étincelle. J’ai photographié les parents portant leur regard sur leur bébé avec amour et tendresse, j’ai ensuite pris quelques portraits du bébé, de ses petits pieds et de sa main fragile et minuscule entourant le doigt de sa maman. Une dizaine de minutes passées, la séance était déjà terminée. J’ai regardé longuement le petit bébé encore une fois, j’ai serré la main des parents en leur souhaitant bon courage et je les ai quitté en les laissant dans cette bulle apaisante et remplie d’amour.
En m’assoyant dans ma voiture, j’ai revisité dans ma tête le déroulement de cette première expérience et analysé mon attitude et mes réactions. Je n’étais ni triste, ni bouleversée, ni dégoûtée par ce qui venait de se passer. J’étais cependant empreinte de respect et d’empathie envers les parents. Et je me suis alors demandée ce qui causait ce certain « détachement » (car dans ma tête il était inconcevable de ne pas verser une seule larme.) J’ai ainsi réalisé que je ne connaissais pas les parents ni leur histoire personnelle. Je ne leur ai pas posé de questions afin de respecter leur intimité. Le fait de ne pas les connaître personnellement m’a permis de me concentrer sur mon travail; il était important que je maîtrise ma technique (car la chambre était sombre) et que je me concentre sur les émotions que je voulais saisir avec ma caméra. Une collègue bénévole qui m’a accompagnée à une autre occasion m’a aussi fait réaliser que ma caméra me servait en quelque sorte d’écran protecteur…
Mais j’ai surtout réalisé que j’avais enfin trouvé ma cause à moi, celle pour laquelle j’avais envie de m’investir et donner de mon temps.
Certains me trouveront morbide, d’autres ne comprendront pas le besoin de prendre des photos d’un petit être décédé et je les respecte. Cette démarche est la mienne, elle est très personnelle et je sais pertinemment que plusieurs seraient incapables de vivre cette expérience. Mais sachez que ce cadeau offert aux parents en est un inestimable et que celui-ci leur permet de compléter leur deuil en ayant en main une preuve de l’existence de cet enfant parti trop vite.
Je souhaite par ce texte encourager d’autres photographes amateurs ou professionnels à donner un peu de leur temps pour cette cause qui m’est très chère. Je vous encourage à contacter la fondation, à suivre leur formation, ou à accompagner un(e) bénévole afin de voir si vous êtes fait pour ça. N’hésitez surtout pas à me contacter en privé si vous avez des questions; il me fera plaisir de vous parler de mon expérience plus en détail.
Merci aux filles de la Fondation Portraits d’Étincelles d’avoir eu le courage de démarrer ce gros projet pour les parents endeuillés du Québec!
Fondation Portraits d’Étincelles
Participez à la campagne de financement du 15 mai au 15 juin!